Stratégies passives #1 Lumière naturelle

14/07/2016

Chapelle Notre-Dame du Haut, Ronchamp (Le Corbusier)
En mai, j’étais invitée sur la foire éco-biologique « Naturellement » de Nyons et à la journée IERA (Info Energie Rhône Alpes), deux événements organisés par le CEDER.
J’y ai proposé trois interventions d’une heure sur le thème de l’éclairage passif et de la lumière naturelle dans le bâtiment.

Eclairer passivement fait partie des objectifs à atteindre pour réduire l’impact du bâtiment sur l’environnement. La RT2012 qui, met l’accent sur la réduction des consommations d’énergies, encourage effectivement à laisser une plus grande part à la lumière naturelle pour diminuer celle de l’éclairage artificiel (et donc les consommations d'énergies!)

Dans l’architecture bioclimatique, il y a une stratégie propre à l’éclairage naturel, basée sur les principes simultanés de capter, transmettre, répartir et protéger.
Les dispositifs empruntés doivent nous aider à trouver un équilibre dans le triptyque conforts, normes et ambiances.

L’éclairage passif est un bon exemple de choix multi-critères spécifiques à la conception bioclimatique.
Une fenêtre laisse entrer la lumière naturelle et ouvre une vue sur l'extérieur, mais selon ses caractéristiques, elle sert aussi à la ventilation d’une pièce et capte le rayonnement solaire. Elle n'est donc pas qu’un simple percement pour l’éclairage dans une enveloppe qui se veut de plus en plus hermétique.

En réalité, le dessin d’une fenêtre pour la lumière participe dans le même temps aux stratégies thermiques plus larges d’été ou d’hiver. Il s’agit donc d’avoir une vision à la fois globale et précise. Chaque décision concernant un élément singulier – ici la fenêtre se doit d’être jugée à tous les niveaux de confort : thermique, visuel et même acoustique.


« S'emparer par divers moyen pour utiliser »


Mais de quoi parle t-on?
Le rayonnement extérieur peut être de trois natures:

  • Direct, rayonnement atteignant la terre directement
  • Réfléchi, issu du rayonnement sur une première surface
  • Diffus, rayonnement diffusé dans toutes les directions par les molécules d’air et les particules.


En éclairage naturel, l'exigence d'éclairement peut se traduire en valeur de "facteur de lumière du jour" (FLJ).

FLJ : rapport de l’éclairement naturel intérieur reçu en un point (généralement le plan de travail ou le niveau du sol) à l’éclairement extérieur simultané sur une surface horizontale, en site parfaitement dégagé, par ciel couvert. Il s'exprime en %.
Une fois que le facteur de lumière du jour en un point du local est connu, il est possible de calculer le niveau d’éclairement en ce point à partir de l’éclairement horizontal extérieur.

LUX : niveau d’éclairement. Il caractérise le niveau de lumière sur une surface, un revêtement. 
Sol, escalier : 100-150Lux. Plan de travail : 500Lux. Lecture : 700.

LUMEN : puissance d'une ampoule.

Bien qu’il soit impossible d’avoir une incidence dessus, il est essentiel de s'informer sur le climat, les masques éloignés (topographie) et proches (bâtis alentours). Le projet s'implantera en fonction de ces derniers. Visitez plusieurs fois le site (et si possible à différentes saisons) pour sentir les éléments et appréhender les changements naturels. C'est le meilleur moyen pour prendre en compte l'environnement et y inscrire l'architecture de façon astucieuse et respectueuse.
Pour favoriser la quantité de lumière réfléchie on pourra choisir la nature et la couleur des surfaces environnantes (sols, murs) pour leur caractères réfléchissant. Ce dernier est appelé albédo de surface, et s'exprime par une valeur comprise entre 0 et 1. Un miroir a une valeur de 1 tandis qu'un corps noir qui absorbe toutes les longueurs d'ondes a un indice nul).
La lumière renvoyée est plus importante avec une terrasse au dallage clair mais le risque d'éblouissement est augmenté. Tandis qu'un dallage foncé stocke souvent trop de chaleur en été.
Au contraire, le bois présente le double avantage d'un albédo faible et de ne pas accumuler de chaleur.
Enfin, la végétation, solution peu coûteuse, concède à la fois le rafraîchissement nocturne et l'infiltration des eaux dans les sols; elle augmente la biodiversité sans contribuer à l'éblouissement.
Les murs réflecteurs sont une solution efficace pour orienter les rayonnements réfléchis vers des ouvertures peu ou mal exposées aux rayonnements directs (typiquement, les façades nord).

"Permettre le passage"

Cette action qui concerne les caractéristiques de la fenêtre (dimension, forme, châssis et vitrage), ne peut s’effectuer sans la considération simultanée de la vue qui est offerte, de l’incidence sur le confort thermique intérieur et de la stratégie de ventilation.

En terme de performance, la fenêtre horizontale apporte trois à cinq fois plus de lumière qu’une fenêtre verticale à surface équivalente. S’ouvrant sur la voûte céleste, la lumière diffuse d'un ciel couvert pénètre largement. Comme la lumière provient du plafond, l’éblouissement est limité.
Même en toiture, on favorise une fenêtre avec une inclinaison suffisante pour évacuer les eaux pluviales.
En revanche, mal conçue, elle génère rapidement une surchauffe en été avec le rayonnement direct du soleil au zénith. C’est pourquoi, les ouvertures sont souvent orientées au Nord (principe des sheds) ou protégés par des casquettes ou des brises soleil comme c’est le cas des lanterneaux ou des skytube.
La cour à ciel ouvert du patio, les atriums couverts et les failles latérales ou transversales sont des solutions lumineuses (et thermiques) idéales pour les bâtiments très larges.

Moins performante mais davantage utilisée car plus facile à mettre en œuvre, la fenêtre verticale offre aussi l'indéniable avantage d'une vue sur l’extérieur.
Notons que sous ciel couvert, tous les percements, quel que soit leur orientation, captent la lumière identiquement - ce qui n'est pas le cas sous un ciel dégagé.
La lumière du nord n’est jamais directe mais diffuse (sans tâches solaires, souvent gênantes), d’où l’importance des surfaces réfléchissantes proches. On veillera cependant à éviter les pertes de chaleur en hiver avec des ouvertures peu larges et en choisissant au minimum un double vitrage.

Les rayonnements du sud, et ceux de l’ouest dans l’après-midi, sont source de surchauffe en été. Si les ouvertures possèdent les protections solaires adaptées à leur orientation, nous pouvons tirer parti de ces apports caloriques en hiver tout en s’en protégeant l’été.

Les masques extérieurs fixes remplissent trois fonctions (encore un choix multicritère): écran (brise soleil), réflecteur (étagère de lumière où le choix de l’albédo est capital) et sécurité (contre les effractions si l'on fait le choix d’une ventilation nocturne).
Ils sont horizontales au sud (casquette, débord de toiture, auvent, balcon, brise soleil) et verticaux à l’est et à l’ouest, orientées en fonction de la course du soleil. Les rayonnements sont arrêtés en été mais pénètrent en hiver.

Placer la fenêtre au nu du mur, en creux ou en avancée, ne change rien aux performances lumineuses. 
Mais un embrasement du mur crée une zone de transition lumineuse entre l’extérieur et l’intérieur améliorant le confort visuel.

Autre particularité: plus une fenêtre est placée haut sur la paroi, plus le fond du local est éclairé. La répartition lumineuse se fait alors plus uniformément et les risques d’éblouissement sont atténués. Puisque l’air chaud monte, cette position facilite également la ventilation naturelle traversante.

Les cinq premières fenêtres ci-dessus proposent la même surface vitrée et n’ont pourtant pas les mêmes formes et positionnements. Ces choix ont une incidence sur le FLJ transmis.
La taille et la forme dépendent beaucoup de la vue que l'on souhaite cadrer.

Un châssis fixe laissera passer en moyenne 80% de la lumière contre 55% en moyenne pour un fenêtre s’ouvrant à la française. Retenons qu’avec de petits carreaux, il n’y a que 45% de la lumière qui est transmise. Remplacer ces derniers pour de plus grandes surfaces vitrées est donc souvent intéressant dans une rénovation pour gagner en luminosité!

Enfin, la lumière du jour qui pénètre par les ouvertures est transmise, absorbée et réfléchie différemment selon la qualité des vitrages. Ainsi, ceux-ci sont à choisir en fonction de leurs facteurs de transmission, d’absorption et de réflexion. Certains verres éliminent les ultraviolets, filtrent la lumière, ou encore à l’instar des vitrages à faibles facteurs solaires, réduisent l’action thermique des rayonnements.

Distribuer, répandre

Si la lumière est transmise grâce aux percements, encore faut-il la répartir dans l’espace en jouant sur les caractéristiques du local et avec des dispositifs architecturaux simples.
Avant tout, retenons que le confort est bien meilleur si la lumière provient d’au moins deux sources différentes. Lorsque cela est possible, il est préférable d'avoir deux fenêtres de directions différentes (selon l’orientation, zénithale, verticale).

Les étagères de lumière qui renvoie les rayonnements du soleil sont très appréciables pour obtenir une lumière indirecte, plus diffuse. Et on ne pense pas assez au au principe de second jour pour apporter la lumière naturelle dans les pièces arrières!

Des parois et un plafond clairs améliorent la répartition uniforme de la lumière dans la pièce.
Certains vitrages à réorientation sont intéressants à considérer pour uniformiser la transmission des rayonnements.
Enfin, pour éviter les tâches solaires d’un rayonnement trop direct, un simple rideau devant une fenêtre équilibre l’éclairage.

Gérer, moduler

Couplées aux protections fixes, les protections mobiles se trouvent aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur. Plus efficaces dans le premier cas (pour bloquer les rayonnements solaire et la chaleur), elles seront cependant davantage manipulables si placées à l’intérieur.

N’oublions pas la solution la moins coûteuse qui influe beaucoup sur l’esthétisme et l’ambiance générale aussi bien interne qu’externe : la végétation. Evoluant avec les saisons, on choisit une essence adaptée au climat, en prenant garde à la géométrie du port de l’arbre et à sa charpente en hiver (qui n'est pas sans rappeler le châssis des fenêtres). Les treilles qui grimpent sur les murs et les pergolas de terrasse participent au confort thermique grâce au phénomène d’évapotranspiration.

Vérifier, anticiper, 

Une prédétermination par logiciel de simulation ou en test maquette offre la possibilité d’optimiser les caractéristiques des ouvertures et de leurs protections.

Ici, grâce au logiciel Dial+, les calculs de FLJ et d'autonomie lumineuse ont pu être générés. En étudiant le pourcentage d'ombrage sur le vitrage, les pare-soleil verticaux à l'ouest ont été orientés à 50° par rapport à la façade pour laisser passer le soleil d'hiver et le bloquer en été.

Ce travail doit évidemment prendre en compte le confort thermique qu’engendrent tous percements. 
Eviter l’éblouissement et la surchauffe en été tout en profitant des rayonnements du soleil l’hiver, sont tous les enjeux de la conception d’une fenêtre bioclimatique.



Penser à l’éclairage naturel dans un bâtiment, c’est penser dans le même temps au confort thermique, aux ambiances générées et à la qualité de vie offerte. Lorsque l’on prend une décision, il faut toujours avoir une vision globale.

Intégrer la technique dès la genèse du projet c’est avoir l’opportunité de favoriser l’artisanat, les matériaux et les savoir-faire locaux pour des bâtiments étroitement conçus avec et par leur environnement (naturel donc mais aussi économique et social). 
Aujourd'hui, on trouve aussi de nombreuses propositions standardisées à la fois techniques et esthétiques.

Pour un habitat le plus passif possible, l’habitant se doit d’être actif. J'ai appris très tôt qu'il fallait éteindre la lumière quand on quittait une pièce. La modulation des protections mobiles tout comme l’ouverture manuelle des fenêtres en fonction des saisons et des heures de la journée font aussi partie des réflexes qu’il est essentiel d'adopter quotidiennement.

Etre responsable à son échelle est fait de petits gestes. Connaître son lieu de vie pour mieux le pratiquer et mieux en profiter fait partie de la démarche.
  

Logiciels de simulation :
Dial Lux avec une licence
Gratuits : SketchUp et Blender.


Source :
La conception bioclimatique des maisons confortables et économes en neuf et réhabilitation. Samuel Courgey et Jean-Pierre Oliva. Terre vivante, 2006.
Cours de Robert Célaire, ENSAM
Cours de Suzel BALEZ, Eclairage naturel, stratégie et prédétermination, ENSAG
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